Qu’il s’agisse d’une prémonition ou d’une communication établie avec un défunt, ce que l’on range couramment sous la bannière des perceptions extrasensorielles est un continent totalement inconnu pour le commun des mortels, pour tous ceux qui ne « voient » pas. De fait, ces questions fascinent le profane : comment un médium voit-il les esprits ? sous quelle forme les prédictions se manifestent-elles chez le voyant ? C’est précisément ces aspects de leur univers que nous allons décrire maintenant.
Avertissement : Parler d’une prédiction ou d’une vision avec précision est difficile : c’est un peu comme si une personne essayait de décrire une perception obtenue à l’aide d’un sens dont une autre serait privée, à la manière d’un voyant qui voudrait parler d’une couleur à quelqu’un qui n’aurait jamais connu la vue. On peut y arriver de manière métaphorique, et, à force d’efforts et de mots, s’approcher très près de la réalité de la chose, mais il subsistera toujours une part d’inconnaissable. C’est exactement dans cette situation que nous nous trouvons.
Des médiums décrivent ce qu’ils voient
Voyons à présent de quoi il en retourne en commençant par le médium. Que voit celui-ci quand il parle des esprits et des défunts ? La première difficulté, c’est l’hétérogénéité des perceptions : tous ne communiquent pas de la même façon. Pour dépasser ce premier obstacle, nous allons nous concentrer sur le témoignage d’une médium célèbre et fiable, Anne Tuffigo, connue pour son engagement associatif et son honnêteté.
Quand elle parle du lien qu’elle a tissé avec les défunts, ou, pour être plus juste, du lien qui s’est imposé à elle du fait de sa capacité à les percevoir de manière spontanée, elle explique qu’au moment où la communication est établi, un ou plusieurs de ses cinq sens sont sollicités exactement comme si la perception était réelle.
Mes cinq sens fonctionnent, ils sont au service du plan invisible. Je peux voir un défunt visuellement, je peux le visualiser à une période de sa vie, tel qu’il peut m’apparaître, je peux l’entendre aussi. […] Je retranscris mot pour mot ce que j’entends. Ça peut être aussi une odeur, ou une sensation : je vais sentir qu’on me frôle l’épaule par exemple.
Propos d’Anne Tuffigo recueillis par France 3 Normandie
On voit ici que son ressenti mobilise des stimuli visuels, exactement comme si la médium voyait le défunt, mais aussi l’ouïe, ou encore l’odorat ou des sensations physiques assimilables au toucher. Chez elle, la perception emprunte les canaux habituels : bien que situés sur un autre plan, les esprits s’adressent à elle d’une façon qui déclenche des réceptions physiologiques semble-t-il en tous points comparables à celles que nous avons dans notre vie quotidienne.
La célèbre Patricia Darré décrit une expérience tout à fait similaire. Quand elle parle de son tout premier contact avec un Esprit (elle ne comprend même pas ce qui lui arrive), elle explique : « Alors que j’étais en train de m’endormir, j’entends une voix, mais pas dans ma tête, mais dans la chambre, à côté de moi ». Elle est d’ailleurs, à l’instant où cela se produit, totalement incapable de distinguer cette manifestation spirite d’une perception auditive normale (dont elle cherche la source) en fouillant la pièce où elle se trouve.
Quand elle parle de ce qu’elle voit, elle insiste là encore pour montrer en quoi ces visions médiumniques sont proches de la réalité, jusqu’à parler de confusion. Elle voit ainsi des fantômes, et les perçoit à la façon dont elle percevrait un autre être humain, à ceci près que leur matérialité est moins concrète. La seule distinction qu’elle opère concerne leur épaisseur : ils lui apparaissent fréquemment en deux dimensions, sous une forme plane. Au moment d’un échange (verbal), souvent il (le fantôme, l’Esprit) lui apparaît dans les vêtements qu’il portait durant sa vie, parlant le langage qu’il parlait à l’époque de son existence, entourée des objets et des souvenirs qui furent les siens.
Ces deux témoignages dessinent une vision de leurs communications avec l’au-delà somme toute (et sans mauvais jeu de mots) très terre-à-terre. Rien de spectaculaire dans leur récit, les esprits se manifestent à eux presque comme le feraient les vivants.
Ce que voit un(e) voyant(e)
Les récits des voyant(e)s sont bien moins homogènes. Il y a ceux qui vont évoquer leurs flashs, faisant par là référence à la dimension à proprement parler visuelle de leurs perceptions extrasensorielles : le flash est alors une image intérieure, une photo dont le sujet se forme petit à petit sur la surface impressible de leur œil intérieur et qu’ils peuvent contempler l’espace d’un court instant.
Mais il y a aussi ceux qui vont évoquer des émotions d’intensités variables, des ressentis, des intuitions comme base de leurs prémonitions. Leur vécu de la prédiction passe en priorité par le vecteur de l’émotion, mais pas seulement. À cette première approche s’ajoute des expériences de l’ordre de la sensation : odeurs, sons, toucher, une grande variété de sensations, plus ou moins fugaces, va accompagner les émotions qui se forment en eux.
Ceux-là expliquent qu’ils ne voient pas, au sens courant que l’on donne à ce terme : ils font une expérience profonde de ce futur dont ils discernent les contours par petites approches successives, en écoutant leurs ressentis, en les accueillant et en les laissant se déployer en eux. A partir de cette première expérience totalement intérieure ils vont pouvoir exprimer ce qui s’impose à eux et le transmettre au consultant sous la forme d’un discours ou d’un récit structuré.
En somme, tandis que les médiums voient (et entendent) clairement les Esprits avec qui ils communiquent, d’une manière très similaire à celle dont nous percevons les personnes et le monde qui nous entoure, de leur côté, les voyants ressentent de manière plus intime et intérieure ce futur qu’ils entrevoient également grâce à des perceptions.